D'accord, je ne reprends pas dans la franche rigolade. Mais il se trouve qu'on m'a prêté aimablement un livre d'Alice Miller "Le Corps ne ment jamais, Flammarion 2004". Comme j'avais été séduit en 1983 déjà par "Le drame de l'enfant doué", je m'y suis plongé sans délai.
Le thème n'est pas absolument nouveau, il s'agit d'établir les relations entre nos traumatismes enfantins et leur expression psychosomatique aujourd'hui.
J'ai trouvé intéressant qu'Alice Miller prenne l'exemple de quelques grands auteurs, par exemple ce début de chapitre sur Rimbaud: "
4. Arthur Rimbaud ou la haine de soi
Arthur Rimbaud, né en 1854, mourut d'un cancer, quelques mois après l'amputation de sa jambe droite, en 1891, à l'âge de trente-sept ans. Sa mère, rapporte Yves Bonnefoy, était une dure et brutale, et, précise-t-il, toutes les source s'accordent à ce sujet.
« Madame Rimbaud fut un être d'obstination, d'avarice, d'orgueil, fière, de haine masquée et de sécheresse. Une figure d'énergie pure portée par une foi aux couleurs de bigoterie, amoureuse d'ailleurs, s'il faut en croire ses lettres extraordinaires de 1900, de l'anéantissement, de la mort. Je ne puis citer pour son portrait, qui cependant les exige, ces constats enthousiastes d'inhumation ou d'exhumation. Disons simplement qu'à soixante-quinze ans elle se fait descendre par les fossoyeurs dans sa tombe, entre Vitalie et Arthur morts, pour un avant-goût de la nuit ».
Grandir auprès d'une telle femme, qu'est-ce que cela a pu signifier pour un enfant intelligent et sensible ? La réponse se trouve dans la poésie de Rimbaud. Son biographe écrit plus loin :
« Elle a essayé d'interrompre également sa maturation pourtant nécessaire. Elle a voulu étouffer au moins son désir d'indépendance, de liberté. La conséquence fut, chez celui qui s'est senti orphelin, une ambivalence profonde, à la fois haineuse et fascinée. De n'être pas aimé Rimbaud a obscurément déduit qu'il était coupable, et de toute la force de son innocence, il s'est durement retourné contre son juge. » Yves Bonnefoy, Rimbaud, Seuil, réed. 1994"
Comme Saint Thomas, j'aime à vérifier les théories et je vous fais part de cette monumentale lettre de Madame Rimbaud à Arthur, alors dans la trentaine:
MADAME RIMBAUD À SON FILS (Pléiade 1972 p.404)
Roche, 10 octobre 1885. (caractères gras mis par moi)