Ci-dessous, le recto verso de l'ouvrage aux Editions ZOE.
L'Europe n'a plus conscience d'être une civilisation. Au nom de ses crimes anciens, elle a renié le meilleur d'elle-même. Mais en ce début de XXIe siècle, elle n'a plus rien à renier parce qu'elle a tout oublié. Appauvrie et démunie, elle veut être bien avec tous ses voisins, proches et lointains. Elle veut surtout faire le Bien: nos artistes, nos politiques, nos médias, et jusqu'à notre langage, sont maniaques de la vertu.
Hélas, c'est la vertu des faibles. Notre Bien est peureux, négatif, superficiel, et surtout il est vide. Et si, au lieu de vouloir être bons, nous essayions d'être nous-mêmes? Et si, face aux grandeurs des autres civilisations, nous songions à notre grandeur propre, qui n'est pas de chercher la perfection, mais de nous vouloir perfectibles, et de chercher le bien sans jamais quitter des yeux la beauté ni la vérité ?
Etienne Barilier est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages, romans et essais. La Chute dans le Bien poursuit et approfondit une réflexion sur l'Europe, commencée avec Contre le nouvel obscurantisme (1995, Prix Européen de l'essai) et Nous autres civilisations (2004).
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Commentaires variés, subjectifs et non exhaustifs <>1ère partie
Voici un livre qui m'a fait du Bien, m'évitant 32 séances de psychanalyse, nettoyant l'eczéma qui m'envahissait depuis quelques années. Déjà le titre est une perle oxymorique, la métaphore ordinaire voulant qu'on "s'élève" vers le Bien et qu'on "chute " dans le Mal.
Comme il sait qu'il n'est pas le premier à en parler, E.B. cite l'apport de Philippe Muray dans L'Empire du Bien: " La Nouvelle Bonté a le vent en poupe contre le sexisme, contre le racisme, contre les discriminations sous toutes leurs formes(...)" Ne voulant pas tomber dans un pessimisme aussi définitif que Muray, Etienne Barilier tentera de trouver des remèdes, dont le premier est de reconsidérer la beauté.
Pour vous donner tout de suite un exemple concret et actuel de ce que j'appellerais "l'agathopathie" ou maladie du bien, je viens de lire dans l'Hebdo du 25 janvier une citation du philosophe Robert Redeker: "Je constate que la gauche se montre assez compréhensive avec les terroristes et plutôt agressive avec leurs victimes."
Cette pathologie se retrouve dans le "Parler Bien", chapitre central du livre d'E.B.: " Dans les régimes où tout le monde s'appelait camarade, la fraternité a-t-elle pris le pas sur la violence? Quand un doucereux fanatique baptise ses bandes armées parti de Dieu, ses agissements en deviennent-ils divins?"
Quant à moi, je vous abrège la longue liste des balayeurs devenus techniciens de surface et des croque-morts dorénavant "thanatothérapeuthes".Comique paradoxal, l'auteur n'échappe pas lui-même aux euphémismes du "parler-bien" :"Ce qui nous est un brin contraire dans l’islam, ce qui ne peut pas en faire un contre-modèle tout à fait aimable, c’est sa relation quelque peu malaisée avec la rationalité critique." Je connais un certain Houellebecq qui a dit la même chose dans une formule beaucoup plus ramassée, lui valant au passage 1 euro d'amende.
Malgré le sérieux du propos, E.B. nous amuse parfois soit avec des finesses d'érudit du genre:"Du point de vue même de la laïcité la plus laïquement correcte, et de l’européanité la plus héautontimôrounénique, il est en effet difficile de de pas reconnaître à la raison une utilité majeure : elle permet de se dresser contre les décrets de la religion, et d’inventer cette science, cette recherche des causes naturelles, indispensable à la sortie des griffes de l’Infâme." (sortez votre livre de grec)
Il ne résiste pas non plus au jeu de mots: "De récentes études sur les dauphins révélent que tels de leurs comportements sont d’une si grande complexité « psychologique » qu’il pourrait devenir pertinent à leur sujet de « cruauté ». Et si nous pouvions communiquer avec ces merveilleux animaux au point de leur expliquer nos propres mœurs, il serait inutile de leur en livrer une version ad usum delphini." (sortez votre livre de latin)
Enfin, des gags à la portée du commun des mortels comme: "L’homme ne descend pas du singe, il chemine à ses côtés. Mieux, le singe est manifestement supérieur à l’homme, puisque lui, du moins, ne détruit pas son environnement et ne se donne pas pour président George Bush."
On trouve aussi des exemples concrets et drôles, illustrant les phases de cette chute dans le bien à propos des plaques à l'entrée des villas: "Epoque obscurantiste: " Attention, chien méchant". Epoque de transition:" Attention au chien". Epoque des Lumières, ou plutôt de l'illuminisme[...] en usant d'un langage résolument non méchant: " Je surveille la maison" . C'est aujourd'hui."
Après ces quelques amuse-bouche, je ne vais pas vous dévoiler tout le menu, l'auteur comme les lecteurs en seraient fâchés. Et en attendant, relisez Charlie-Hebdo, ça ralentit la chute!